Les Tudor au musée du Luxembourg

Par Céline Cachaud

Six mois que j’attendais l’arrivée de cette exposition et enfin là voilà. Bien évidemment, on était parmi les premiers à aller la voir dès la semaine dernière. Pour résumer, il s’agit de la première exposition en France sur la légendaire dynastie anglaise qui régna entre 1485 et 1603. Outre, la majesté des œuvres présentées, et qui avaient déjà été exposées pour une grande partie à la National Portrait Gallery en automne dernier, j’attendais surtout avec impatience le discours autour de ces œuvres. Comment présenter au public français la dynastie rivale de François Ier ? Qu’est-ce que ce public connait surtout de cette dynastie ?

01Premiers pas dans l’exposition, on est tout de suite happés par la scénographie, une lumière tamisée et une ambiance calfeutrée. Les premières pièces sont aussi inattendues qu’admirables comme le costume que Cate Blanchett porta pour le couronnement dans le film Elizabeth de Shekhar Kapur et les copies des effigies de Pietro Torrigiano pour les gisants d’Henry VII et Elizabeth d’York. La première idée : les Tudors avaient de l’argent et des artistes italiens eux-aussi. Un premier coup de pied dans les idées reçues du public. Parmi les murmures, on commence déjà les comparaisons avec les Valois et surtout François 1er, le grand rival de l’autre côté de la Manche à la même époque. La commissaire, Cécile de Maisonneuve, sait dès la première salle comment nous mettre en appétit pour en savoir un peu plus. Les textes sont précis et concis, ce qui empêche de bloquer le passage. Ces derniers sont accompagnés de citations de sources, ce qui implique un véritable travail de fond.

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Rosaire d’Henry VIII, artiste flamand, début du XVIème siècle, bois de buis sculpté, 58cmL, Chatsworth House

Si la première salle est généraliste et présente en quelques temps la dynastie, les salles suivantes ce concentrent sur les souverains Tudor de manière chronologique. Dans l’ordre, on retrouve Henry VII (r. 1485-1509), Henry VIII (r. 1509-1547), Edward VI (r. 1547-1553), Mary Ière (r. 1553-1558) et Elizabeth I (r. 1558-1603). Aux portraits sur les cimaises sont ajoutées des vitrines au centre qui présentent des manuscrits ou des objets particuliers ayant appartenus aux souverains, notamment le rosaire d’Henry VIII, un objet magnifique et pourtant quasiment inconnu. Les portrait sont célébrissimes, notamment celui, exceptionnel, venu de Petworth House, qui ne sort de son environnement qu’une fois tous les 50ans environ. On note aussi la présence des rares œuvres de l’époque issues des collections françaises : certaines miniatures acquises par le musée du Louvre en 2009 dont le portrait d’Henry VIII par Lucas Horenbout, des dessins issus de la Bibliothèque nationale de France et surtout le très beau portrait d’Edward Vi qui trône habituellement sur la première cimaise de la salle des peintures britanniques du musée du Louvre.

Ratification du traité d’Ardres conclu entre l’Angleterre et la France, le 7 juin 1546, Archives nationales (AE/III/33)

Les vitrines présentent aussi les importants moments politiques et les relations franco-britanniques au XVIème siècle, un effort qui se doit d’être salué. Les traités, les sceaux mais aussi la correspondance est sortie. La question qui brûle deux visiteuses : la langue diplomatique n’était-elle pas le français ? Pourquoi les traités sont-ils en latin ? Si ces traités entre la France et l’Angleterre avaient été rédigées en français, il y aurait certainement eu querelle. Le latin au moins reste neutre. En termes de muséographie, j’ai personnellement trouvé que le parcours s’embrouillait dans ces salles allant de Henry VII à Marie Ière et qui trouble légèrement  le parcours de visite. Le découpage thématique est cependant très judicieux et participe aussi à l’histoire de chaque souverain : la personne puis les femmes d’Henry VIII, Edward VI, Mary et la Réforme, Elizabeth, le souverain et les mariages.

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Bague d’Elizabeth I à secret avec le portrait de sa mère Anne Boleyn dite « The Chequers ring », v. 1575, The Chequers Trust

La dernière partie de l’exposition s’intéresse aux Tudors comme sujet d’inspiration aux artistes et auteurs français du XIXème siècle. A partir des années 1830, alors que les courants historiques néo-gothique, néo-Renaissance font fureur, certains artistes comme les frères Deveria ou encore Paul Delaroche illustrent les épisodes majeurs de l’histoire des Tudors. Certaines de ces belles toiles et lithographies sont exposées, associées à des œuvres de théâtre, leur mise en scène et les premiers films aussi sur le sujet. Cette dernière partie, intitulée « Les Tudors : sous les feux de la rampe », met en valeur une partie de la production artistique du XIXème siècle aujourd’hui ignorée. On oublie que Victor Hugo a écrit deux pièces sur cette période : Marie Tudor et Amy Robsart. Cette dernière partie montre aussi le devoir de recherche pour la réalisation notamment des costumes et des décors, en témoignent les quelques exemples d’archives sortis du musée de l’Opéra.

Henry VIII, roi d'Angleterre
Henry VIII roi d’Angleterre, Lucas Horenbout, vers 1526, miniature sur parchemin contrcollé sur carton, 5,6cm de diamètre, musée du Louvre (RF 44315)

L’exposition, éminemment historique, est subtilement bien menée et aborde tous les thèmes majeurs de la dynastie la plus brillante d’Angleterre. Pendant plus d’une heure, le visiteur se retrouve submergé par une profusion d’images que les amateurs reconnaitront au premier coup d’œil. On regrette cependant qu’il n’y ait pas eu de lien avec l’exposition de la National Portrait Gallery à laquelle elle est liée. En effet, l’exposition présentée cet automne à Londres était l’aboutissement de nombreuses années de recherches techniques et radiographiques sur les portraits anglais du XVIème siècle. Cette production est en effet la plus importante dans la création artistique de ce temps. Pourtant, au Luxembourg, on ne retrouve qu’une présentation historique de la dynastie. On aurait aimé avoir une partie reliant donc les eux expositions, surtout que Charlotte Bolland et Tarnya Cooper, ayant toutes deux participé au projet de recherche « Making Art in Tudor Britain » font partie du commissariat.

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Le cardinal Wolsey et Catherine d’Aragon, Eugène Deveria, huile sur toile, 73,5x60cm, Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Il en demeure que cette exposition reste un must-see de cette saison. La plupart des œuvres présentées sont des chefs d’œuvre et quittent très rarement le territoire. Certaines de ces œuvres d’ailleurs ne ressortiront pas d’ici les 50 prochaines années. A titre de comparaison, le Henry VIII issu de la Petworth House ou encore les nombreux portraits d’Elizabeth sont autant de Vinci et de Raphaël pour l’époque. A ne surtout pas manquer donc. Nous y retournerons encore une ou deux fois d’ici la fin de l’exposition, celle-ci étant ouverte jusqu’au 19 juillet. Et si nos critiques ne sont que le point de vue d’une passionnée et d’une future spécialiste – je l’espère – de la période, nous espérons vous avoir donné envie de remonter le temps dans l’Angleterre Tudor. Vous pourrez même repartir avec votre propre portrait. Bonne visite !

NB : Paris s’est mis aux couleurs des Tudors ce printemps avec une programmation de tables-rondes mais aussi de pièces de théâtre. Pour en savoir plus, visitez le site du musée du Luxembourg : http://museeduluxembourg.fr/

Et si Les Tudor vous ont véritablement fascinés, vous pouvez aller plus loin en découvrant notre dossier Tudor Renaissance : https://unartanglais.files.wordpress.com/2014/12/livret-tudor-renaissance1.pdf