Le palladianisme anglais

Hérité des travaux d’Andrea Palladio, le palladianisme apparait dès le XVIIème siècle  en Europe. Jamais cependant ne s’est-il autant développé dans les îles britanniques et par conséquent en Amérique du Nord. En effet, au moment où le baroque bat son plein en Europe, les Anglais eux préfèrent un style plus sobre et géométrique. Alors, qu’est-ce que le palladianisme ? Comment se développe-t-il ?

Escalier à visse par Inigo Jones, photo d’E. Smith, RIBA Library

Ce nouveau style est directement influencé par l’architecture antique et notamment par les travaux du grand architecte italien Andrea Palladio. Ce dernier a écrit en quatre tomes un traité d’architecture qui est rapidement traduit en anglais. Dans son traité « Quattro libri dell’Architettura » (litt. Les quatre livres de l’architecture), il explique les principes fondamentaux de son style : la lumière y est primordiale, d’où la présence d’importantes baies toute autour de la maison, mais aussi de miroirs qui la font refléter dans les autres pièces intérieures. Les matériaux préférés sont surtout la pierre alors abondante en Italie depuis l’Antiquité, mais aussi en Angleterre. Ainsi la plupart des maisons néo-palladiennes sont réalisées en pierre, mais aussi en briques. Celle si forme des façades uniformes sur les quatre côtés de la maison ou villa. Le bois aussi est utilisé à l’intérieur, notamment pour former des colonnes et frontons autour des portes, parfois rehaussés d’or. A cela se rajoute le travail du stuc pour les décors de motifs romains comme les rinceaux végétaux, guirlandes ou encore feuilles d’acanthe sur les chapiteaux. Cependant, les fondamentaux de l’architecture palladienne restent la symétrie et les proportions. Celles-ci doivent être équilibrées d’où souvent un plan carré centré autour d’un hall ou d’une cour car elle permet entre autre une symétrie parfaite.

The Royal Banqueting House, palais de Whitehall (Londres), estampe, 1723-24, British Museum

Le palladianisme anglais se divise en deux périodes. La première phase débute avec l’arrivée des travaux de Palladio et leur traduction en Angleterre ainsi que l’œuvre d’Inigo Jones et son élève John Webb (1600-1670) puis revient quelques décennies plus tard sous le qualificatif de « néo-palladianisme » ( qui outre les travaux de Palladio,  cette deuxième phase reprend aussi les innovations des architectes de la première phase pour créer un style hybride aussi appelé à cette époque « National Style ». Inigo Jones (1573-1652) découvre l’œuvre de Palladio et les ruines antiques lors d’un voyage en Italie qui transformeront sa carrière. Il rapporte ses travaux en Angleterre et révolutionne l’architecture à travers la construction d’édifices emblématiques, à Londres en particulier : la Banqueting House (1619-22), Queen’s House à Greenwich (1616-19) ou encore quelques maisons et square couvert de Saint-Paul à Covent Garden. Le palladianisme devient alors un style royal, caractérisé par une géométrisation poussée, des plans sur cour, une façade scandée de colonnes aux fenêtres surmontées de frontons alternés d’arcs plein-cintre.

Vue des jardins de Chiswick de Lord Burlington, Peter Rysbrack, vers 1728, Chiswick House

La deuxième phase se développe suite à l’exubérance baroque de Wren. A la mort d’Inigo Jones en 1652, Christopher Wren devient de la grand architecte anglais, promouvant principalement le style baroque. Cependant, à partir de la fin du XVIIème siècle, on commença à questionner ce style qui devenait alors de plus en plus excentrique et exubérant qualifié aussi de trop « catholique ». Ainsi, dans un mouvement xénophobe et la volonté de développer de nouveau ce style plus épuré, plus sobre, appelé néo-palladianisme. Le néo-palladianisme se démocratise alors dans la construction de maisons aristocratiques dès le premier quart du XVIIIème siècle puis de maisons populaires. Les architectes les plus importants de cette période sont Colen Campbell (1676-1729) et Lord Burlington (1694-1753) puis Henry Flitcroft (1697-1769) et William Kent (1685-1748). Tous partent se former en Italie en plus de l’étude des textes de Palladio et reviennent en Angleterre pour développer leur talent. Parmi les innovations, on découvre le porche d’entrée amphiprostyle avec deux à six colonnes de façade comme à Chiswick House (1729), réalisée par Lord Burlington. Le plan est toujours aussi géométrique, carré, autour d’un hall octogonal. Chatsworth House (1687-1707) marque les débuts de ce renouveau du palladianisme.

Holkham Hall, Lord Burlington et William Kent, 1734-64 (photo d’A. E. Henson, RIBA Library)

A l’intérieur de ces maisons palladiennes, deux tendances s’opposent : la simplicité et le luxe. On cherche avant tout le confort et à suivre la mode. Palladio s’est surtout concentré sur l’architecture en soi, et non sur le design et l’aménagement d’intérieur. Dans les maisons les plus simples, comme à Marble Hill House à Twickenham (Middlesex, 1724-29), le décor intérieur ne se développe qu’à travers des colonnes lisses à chapiteaux à volutes et bases moulurées, ainsi que des crédances au quart inférieur des murs. Quelques médaillons à l’antique réalisés en stuc et quelques peintures ou aquarelles égaient les pièces aux couleurs claires. A l’inverse, dans des maisons luxueuses telles que Chiswick House ou Banqueting House, des guirlandes romaines et putti ornent les parties supérieures des murs et les cheminées, sculptés dans du stuc et dorés. Des niches présentent des moulages de statues à l’antique. Les tables de marbre sont supportées par des nymphes et putti dans des rinceaux en bronze dorés. La pièce la plus remarquable est appelée « Blue Velvet Room » avec ce plafond bleu et or orné d’une pseudo-mosaïque à la romaine représentant une déesse sur un nuage accompagnée de petits anges.

The Circus, Bath, 1754-68, style néoclassique

Le palladianisme a, pendant près de deux siècles, marqué l’architecture britannique qui au XVIIème siècle marque un tournant dans l’art anglais jusqu’à devenir le « style national ». L’héritage antique, qui pourtant eu du mal à s’installer en Angleterre qui préférait une austérité protestante, se laisse tenter par les charmes de l’art « catholique » tout en l’adoptant à leurs propres valeurs. Ces innovations étaient compilées dans une revue annuelle : le « Vitruvius Britannicus » pour bien rappeler la volonté patriotique du développement de ce style pourtant antiquisant. Ce style architectural n’était pas seulement réservé aux maisons, des églises mais aussi des théâtres ont été réalisés sous ce style et inspire le néo-classicisme qui se développe dans la période de la Régence sous qui seront construits les façades des plus grands monuments de Londres dont le British Museum.

 

Bibliographie :

BOLD J. et REEVES J., Wilton House and English Palladianism: Some Wiltshire Houses, Her Majesty’s Stationary Office, Londres, 1988 (4°5161)

PARISSIEN Steven, Palladian Style, Phaidon, Londres, 1994

http://www.architecture.com/LibraryDrawingsAndPhotographs/Palladio/PalladioAndBritain.aspx

http://www.chgt.org.uk/

http://www.vam.ac.uk/content/articles/s/style-guide-palladianism/

 

Crédits photographiques : English Heritage, RIBA Library (Royal Institute of British Architects), Wikipedia, British Museum

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